NOTHINGWOOD
- Eleanor Labbat
- 17 juin 2017
- 2 min de lecture

Nothingwood
© PYRAMIDE DISTRIBUTION
"Nothingwood", cinéma afghan prénommé ainsi par Salim Shaheen, en raison d'absence totale de moyens, donnant son titre à ce long-métrage, est loin d'être le domaine du néant. Bien au contraire, ce documentaire peu conventionnel est un véritable voyage. Par le biais de la réalisatrice, Sonia Kronlund - journaliste familière de l'Afghanistan depuis une quinzaine d'années, d'une part, et productrice et animatrice de l'émission quotidienne Les Pieds sur Terre sur France Culture, d'autre part - et de son équipe, l'on suit ce personnage haut en couleur, analphabète et pourtant invétéré de septième art depuis son jeune âge, qu'est Salim Shaheen ainsi que sa troupe extravagante, au cœur de l'Afghanistan, pays déchiré par la guerre.
Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes 2017, ce premier long-métrage, préambule du cent onzième de Salim Shaheen, est d'un attrait indéniable. Tout d'abord, il recourt à l'altérité en brossant le portrait de Salim Shaheen - homme aussi égotique et phallocrate que débonnaire et muni d'un sens de l'humour décapant - qui, en luttant pour sa passion du cinéma, la sauvegarde dans son pays, en tant qu'exclusif dépositaire. Par ailleurs, il constitue une louange, sinon un plaidoyer, du septième art, révélant combien il est une nécessité. Enfin, il nous donne à voir un pays que l'on ne connaît bien souvent que mal - dans le meilleur des cas, pour les atrocités qui y sont commises - avec un regard candide, ou presque. Ainsi, des sujets tant prosaïques qu'existentiels sont effleurés, parfois de manière antithétique, tels que la peur, la violence, la mort, la croyance et la tradition. Témoin un entretien incisif où une jeune fille narre à la réalisatrice, par le biais de la discrète mais indispensable traductrice, Eva Nassery, sa satisfaction d'être actrice mais combien cela est mal vu - comme le fait d'être danseuse -, sous le regard bienveillant d'un père progressiste. De même, l'acteur Qurban Ali Afzali, faisant partie intégrante de la troupe de Salim Shaheen, efféminé et facétieux à souhait, nous fait part de l'obsolescence du mariage forcé. Pourtant, Salim Shaheen nous rappelle, par un passage chez lui, combien la polygamie est effective et comment la femme est privée de liberté sans que personne n'en soit véritablement outré. Tout du long, le brio tient donc véritablement à cette alliance entre cocasserie et désolation qui, par interstice, insuffle au spectateur un retour à l'essence même de la vie. Saluant au passage la hardiesse de la réalisatrice, membre à part entière de l'ensemble de l'expédition, vous ne pourrez sortir de salle que dépaysé et ému. ★★★★☆
Nothingwood – réalisé par Sonia Kronlund – 1h25min – Version originale en dari (avec quelques mots en français et en anglais) - sortie officielle le 14 juin 2017.
Bande-annonce officielle :
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