LE VÉNÉRABLE W.
- Eleanor Labbat
- 10 juin 2017
- 2 min de lecture

Le Vénérable W.
© LES FILMS DU LOSANGE
« La haine ne mettra jamais fin à la haine ; seul l’amour peut le guérir. » conclut la voix hors champ - assurément approuvée par le réalisateur - et disait, bien avant elle, le Bouddha. Vingt-cinq siècles plus tard, peu ou prou, un des moines bouddhistes les plus puissants de Birmanie s'avère être Ashin Wirathu, nommé plus communément le Vénérable W., âgé de quarante-huit ans, incitant à la haine et au rejet des Rohingyas musulmans, lesquels ne constituent qu'une minorité religieuse dans ce pays. Par le biais de paroles énoncées par le Vénérable W. lui-même, en entretien ou lors de sermons, étayées par des images de prosélytisme, accordées à des fragments audiovisuels amateurs, enchâssées à des entretiens avec des moines bouddhistes et des journalistes - U. Kaylar Sa, l'admirable U. Galonni, Abdul Rasheed, Matthew Smith, Carlos Sardiña Galache - dont la pensée est antagoniste à celle du Vénérable W., se distingue la voix hors champ qui, si elle est de prime abord fastidieuse, constitue, en fait, une nécessité, telle la voix de la conscience, rappelant l'essence même du bouddhisme appelant à « un amour sans limite envers tous les êtres ».
Présenté en Séance Spéciale au Festival de Cannes 2017, ce long-métrage, engagé, se déroule progressivement - un peu trop nonchalamment au départ mais permettant au moins une acmé saisissante à la fin -, laissant, en apparence, le spectateur jauger par lui-même de la situation - notamment par l'absence du réalisateur - mais, grâce à sa structure très ciselée, l'entraînant à un constat unanime : celui de l'influence de l'exécration, menant à des actes d'une cruauté incommensurable - témoin quelques scènes très épouvantes de bastonnade par des bouddhistes manœuvrés envers des musulmans. Même s'il s'avère parfois difficile de bien comprendre l'évolution de la situation birmane au fur et à mesure des années, les événements insoutenables qui s'y sont produits et qui s'y produisent encore nous mènent toutefois à nous interroger sur la progression fulgurante de l'hostilité envers les musulmans au sein de ce pays et, corollairement, au-delà des frontières birmanes. En ce sens, l'analogie effectuée entre la situation birmane et l'Occident est loin d'être futile et avertit, en apportant des preuves très prosaïques, des dégâts de l'intolérance, de la peur et de la manipulation, pouvant conduire à l'extrémisme, qu'il soit politique ou/et religieux. En somme, ce long-métrage bouleversant apparaît comme un apologue où la morale semble en être le portrait en creux : une exhortation à l'altérité dans ce qu'elle a plus de fructueux, à l'ouverture d'esprit et à la non-violence. Une des phrases énoncées par Abdul Rasheed devrait résonner dans tous les cœurs lorsqu'il rappelle que lui et les Rohingyas sont avant tout des êtres humains, à l'image de chacun d'entre nous. ★★★☆☆
Le Vénérable W. – réalisé par Barbet Schroeder – 1h40min – Version originale à la fois en français, en birman, en anglais et en espagnol - sortie officielle le 7 juin 2017.
Bande-annonce officielle :
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