A MON ÂGE JE ME CACHE ENCORE POUR FUMER
- Eleanor Labbat
- 27 avr. 2017
- 2 min de lecture

A mon âge je me cache encore pour fumer
© AD VITAM
Tel un phénix qui renaît de ses cendres, la pièce de théâtre - datant de 2009 - est devenue long-métrage et lui a fait l'honneur de son titre, à la fois en guise d'héritage et de nouvelle vie. L'on ne peut que la remercier de cet engendrement qui résulte d'un engagement indéfectible en faveur de la liberté. Au cœur d'un hammam d'Alger, en 1995, est donnée à voir, par le biais de femmes de tout âge, de tout milieu social et de toute profession, la moitié de la société algérienne qui n'a pas le droit à la parole. Lieu pour se laver, initialement, devenant, en réalité, tantôt un abri contre des hommes puissants à l'excès, sinon enragés - telle Fatima que son époux viole et Meriem, tombée enceinte, dont le frère veut la mort - tantôt un lieu de pensée. Chacune y révèle son histoire en confiant, au détour d'un instant, les violences subies, ses angoisses, ses croyances, ses rêves, ses joies. Ainsi, si Louisa narre sa nuit de noces avec son époux tandis qu'elle n'avait que dix ans, si la jeune Leïla est renvoyée à l'atrocité du début de sa vie par la vue du sang, si Nadia plaide pour un islam éclairé, érudit et libérateur contre Zahia, cultivée mais rigoriste, sinon intégriste, si Samia rêve de se marier et si Nadia exulte de joie d'avoir obtenu le divorce, se dessine une Algérie contrastée. Nonobstant, au moins une aspiration commune perce au cœur de la majorité de cette communauté féminine : se libérer d'un joug de plus en plus étroit. Si l'on peut trouver outrancières la crudité des propos tenus et la monstration des corps nus, le perforement de l'étouffement des femmes s'avère assurément en être la cause.
Récompensé, à ce jour, par le Prix du Public du Festival International du film de Thessalonique, en Grèce, ce premier long-métrage suinte de bravoure pour un éminent combat, qui a bien failli coûter la vie de la réalisatrice, en France, en 2010. L'on peut également saluer la persévérance des actrices, bravant les traditions, les préjugés et la peur des représailles. Aussi hardi que violent, toujours sensuel, souvent caustique, parfois amusant, les dernières minutes n'en sont pas moins d'une poésie et d'une émotion saisissante, laquelle ne nous quitte pas de sitôt. La dernière strophe du poème Liberté - in Poésie et Vérité - de Paul Eluard se présente encore brûlante d'actualité :
« Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
LIBERTE »
Avec un aspect à ajouter promptement, toutefois : sa féminisation. ★★★★☆
A mon âge je me cache encore pour fumer – réalisé par Rayhana – 1h30min – Version originale en arabe (avec quelques mots en français) - sortie officielle le 26 avril 2017.
Bande-annonce officielle :
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